INFO LE PARISIEN. Les partenaires sociaux doivent se réunir en avril pour décider s’ils maintiennent ou non la pénalité financière sur la retraite complémentaire. Sans aménagement, le dispositif touchera les salariés du privé concernés par la réforme des retraites.
Attention, double peine en vue ! Alors que la réforme des retraites, en discussion au Parlement à partir du 6 février prochain, prévoit de décaler l’âge légal de départ à 64 ans — et de deux ans de plus pour ceux qui pouvaient partir avant 62 ans — voici un sujet qui crispe et préoccupe particulièrement les salariés du privé. Le malus de 10 %, mis en place depuis deux ans sur la pension complémentaire, va-t-il être supprimé compte tenu du report de l’âge légal ou, au contraire, maintenu ?
Depuis janvier 2019, toutes les personnes nées après 1 956 et qui prennent leur retraite en ayant tous leurs trimestres de cotisations (au total 42 ans ou 43 ans), se voient appliquer automatiquement une minoration de 10 % sur leurs pensions complémentaires. Une pénalité financière d’une durée de trois ans et qui peut courir jusqu’aux 67 ans. Pour l’annuler, ou y échapper, il est nécessaire de travailler un an de plus que l’âge du taux plein ou d’atteindre l’âge de 67 ans.
Que va-t-il se passer si l’âge légal de la retraite est repoussé progressivement à 64 ans ? La balle est dans le camp des partenaires sociaux qui gèrent la caisse Agirc-Arrco et dont dépendent 55 millions de personnes qui ont travaillé dans le privé, dont 13 millions de retraités. Des discussions doivent s’ouvrir à partir d’avril — une fois la réforme des retraites adoptée au Parlement — pour décider du sort de ce coefficient minorant censé « inciter à travailler plus longtemps » mais aussi assurer l’équilibre des finances du régime.
Plusieurs scénarios au cœur des discussions
Sans aménagement, dès la mise en œuvre prévue au 1er septembre de la réforme des retraites, la pénalité financière de 10 % continuera de s’appliquer automatiquement sur la pension complémentaire de tous les salariés qui prendront leur retraite à l’âge de 64, 65 ou 66 ans en ayant tous leurs trimestres (soit 42 ou 43 annuités selon la génération concernée) et ce, pour une durée de trois ans maximum. Concernant les carrières longues, même topo, le malus, qui est aujourd’hui de 5 %, continuera de s’appliquer selon les mêmes règles.
Ce statu quo pourrait être décidé le temps de la montée en charge de la réforme des retraites (64 ans à échéance 2 030). « C’est l’un des trois scénarios qui seront au cœur des discussions », nous confirme une source proche de l’Agirc-Arrco, précisant qu’un nouvel accord devra être trouvé au plus tard à la fin août prochain. Autre piste sur la table, celle consistant à « neutraliser » le dispositif imposant la pénalité financière. Autrement dit supprimer toute décote compte tenu des efforts déjà demandés aux salariés pour repousser l’âge de la retraite. L’accord de l’Agirc-Arrco serait ainsi profondément modifié. Une optique privilégiée par plusieurs organisations syndicales, déjà vent debout à l’époque des discussions et qui avaient refusé de signer ce tour de vis.
Le troisième scénario, lui, consisterait à maintenir la partie bonus — le pendant du malus — reposant sur un principe de majoration temporaire. Ainsi, si vous travaillez deux ans de plus que votre âge du taux plein, votre retraite est majorée de 10 %, si c’est trois ans de plus, c’est 20 % et 30 % avec une année supplémentaire. Une disposition qui, depuis 2019, n’a pas attiré les foules : moins d’1 % des retraités (soit autour de 2 600 personnes) ont bénéficié de ces majorations temporaires. Une piste que défendent néanmoins certains au sein du Medef.
Des réserves comprises entre 60 et 70 milliards d’euros
Quelle option tient-elle le plus la route ? « Tout dépendra de nos marges financières et notamment de la mise à contribution de l’Agirc-Arrco sur plusieurs mesures contenues dans le projet de loi des retraites comme le minimum contributif et les carrières longues, qui pourraient avoir une incidence considérable sur le régime », observe ce gestionnaire. Pour l’heure, le gouvernement n’a pas abordé la question du montant de la participation du régime. « Les discussions restent à ouvrir », assure-t-il.
Le bilan financier de l’Agirc-Arrco sera connu fin mars. Si les réserves comprises entre 60 à 70 milliards d’euros — censées assurer la pérennité du régime à quinze ans — sont considérables et font des envieux au gouvernement, les gestionnaires regardent avant tout le résultat global pour l’année (autrement dit le solde entre l’ensemble des recettes, en particulier les cotisations, et les retraites versées) . « Nous prévoyons que ce résultat pour 2023 soit supérieur à 5 milliards d’euros pour financer la revalorisation des pensions complémentaires de + 5,12 % accordée au 1er novembre dernier », font valoir des administrateurs. Donc restera à savoir de quelles marges disposeront-ils pour financer d’autres mesures. Des éléments qui pèseront bien évidemment dans les discussions.